Course à l’Elysée: l’UMP se déleste des pauvres

Le 16 mai 2011

Les propos de Laurent Wauquiez qualifiant l'assistanat de "cancer de la société" révèlent pour Seb Musset la véritable stratégie de l'UMP : instaurer un "délit de pauvreté".

La séquence de communication “L’assistanat est le cancer de la société” lancée dimanche soir [8 mai 2011, NdE] sur BFM par Laurent Wauquiez aura duré une semaine. Elle introduit un axe de campagne à droite pour 2012. Et dire que l’on m’accusait de caricaturer en 2008 lorsque j’évoquais la possibilité d’un “délit de pauvreté” made in UMP.

Au fond chez les hommes du Monarque, faute de résultats et pour masquer les inégalités de plus en plus criantes, on en revient toujours à désigner un coupable, le plus faible et vulnérable possible. Quand on n’arrive pas à supprimer la pauvreté, on criminalise le pauvre et hop : la conséquence des désordres devient la cause des problèmes. Nous constations le même procédé en août dernier avec les roms et la sécurité, et annoncions les prochains bouc-émissaires marketing.

N’épiloguons pas sur le cas Wauquiez et sa proposition aussi abjecte que débile : conditionner le versement du RSA à une activité non rémunérée de 5 heures par semaine. D’autres s’en chargent : par le démontage des mensonges de l’argumentation, de son impossibilité matérielle ou la violence d’un témoignage.

Déjà le mois dernier, au nom de ”la justice sociale“, un député UMP après sa déculottée aux régionales proposait de conditionner les indemnités des chômeurs de longue durée à un travail gratuit.

Cette course à l’échalote après le pactole fantasmé du “vote populaire” a deux buts majeurs.

1. Evincer le PS

En premier lieu, il s’agit de réussir l’OPA médiatique sur le mot “social” (depuis que la droite a découvert ce vocable à l’exotisme enivrant, elle l’assaisonne à toutes les sauces : justice, droite, téléski, gode ceinture). L’UMP souhaite voler le mot au Parti SOCIAListe1  avant cette primaire qui n’en finit pas de ne pas arriver. Il s’agit de discréditer la gauche en court-circuitant la case intelligence pour directement s’adresser aux plus vils instincts en mode comptoir et contre-vérité : “oui l’autre, il a plus que moi qui travaille” (ressentiment se jouant souvent à un détail stupide) et sa variante : “saloperie d’immigrés qui nous coûtent trop cher“. Combo ultime : “bordel de bougnoules aux allocs qui touchent plus que moi (et volent des voitures) !“.

L’opération permet surtout de faire l’impasse sur le fond du problème : la trop faible rémunération des salariés. L’UMP poursuit sa stratégie de course après le FN pour en faire le premier parti d’opposition, espérant reléguer ainsi le PS, comme tous les discours de gauche, dans le camp de l’utopie ou de l’irresponsabilité. Où, comment, au nom de la pérennité du monde des possédants et sous couvert d’un “y’en en a marre du politiquement correct” omniprésent dans les médias, faire de la solidarité un concept plus dégradant que le racisme.

2. Rassurer le MEDEF

Deuxièmement, il s’agit aussi de rassurer patronat et possédants dans cette période de confusion des valeurs.  Les complaintes bourgeoises au sujet de ce petit personnel qui “ne veut plus assez travailler parce qu’il est trop assisté” tapissèrent mon enfance dans ce quartier votant à 83% à droite mais qui aujourd’hui est moins enthousiaste à reconduire le Monarque. Taper sur ”l’assisté”, ça ressoude autour de bonnes vraies valeurs bourgeoises de droite. Dans le même esprit, la semaine passée, le garde des Sceaux, Michel Mercier, souhaitait que l’on “réfléchisse vite à de nouvelles formes de travail” dans les prisons avec création d’une sorte de Pôle Emploi carcéral pour fluidifier la sous-traitance en cellule des call centers. Tarif ultra compétitif pour travailleurs captifs sur le territoire : le rêve ultime du Medef.

La cacophonie gouvernementale engendrée par les propos, réitérés, de celui s’autoproclamant porte-parole des classes moyennes est une pure construction de type Lefebvrienne (version 2008-2009) où quelques ministres décoratifs ont servi de naïfs offusqués. Le ballon-sonde destiné à occuper l’opinion se conclut par un sondage Opinion-way-of-the-president (fort opportun) plébiscitant l’idée de Wauquiez (comme à la belle époque du conflit des retraites où, à en croire le quotidien de Marcel Dassault, 8 français sur 10 soutenaient Eric Woerth).

Et de citer un “indiscret” de L’Express riche de sens :

Si Nicolas Sarkozy n’a finalement pas licencié son ministre à chaud, c’est ”parce que ce qu’a dit Wauquiez sur le fond n’est pas absurde”, précise l’Élysée.

Et hop, le tour est joué. Le voilà le bel axe de campagne, la version négative du TPPGP “travailler plus pour gagner plus” : ”les salauds gagnent plus en ne travaillant pas”. (Cette semaine à la télé : Wauquiez et Le Monarque. Tu tires, je rectifie. Un buddy movie qui fait mouche).

Rentier = assisté

Pourtant, pointer aussi grossièrement du doigt les bénéficiaires de mécanismes de solidarité dans une conjoncture aussi incertaine (la preuve : Dame Lagarde se remet à se vanter d’une croissance à 1% sur un trimestre) où tout conduit l’individu à craindre d’en dépendre prochainement est un calcul risqué à un an des élections. À moins de considérer que le peuple est stupide au point de se faire la guerre à lui-même au lieu de se plaindre de ceux qui l’oppressent concrètement ? Hypothèse semblant être la ligne conseillée par Patrick Buisson à notre Monarque.

Mais, malgré tout, L. Wauquiez souligne un problème majeur : dans notre pays, les revenus ne sont plus avantageusement liés au travail. On gagne bien plus à hériter, à optimiser fiscalement, à acheter et revendre de l’immobilier, à être retraité parfois, qu’à “bosser” (oups, je fais probablement du “populisme”). Comment accuser les bénéficiaires d’un RSA à 43%  du SMIC (660 euros de différence) dans un pays où la rente, constamment chouchoutée, rapporte plus que le travail ? Si ce n’est du cynisme, c’est au moins la preuve d’un manque de connaissance du terrain.

A ce sujet, quitte à donner moi aussi dans les idées simples : pourquoi ne pas imposer un ”service social” aux ministres, conditionnant leur entrée au gouvernement ? Wauquiez, un mois dans la peau d’un mec au RSA, comptant ses pièces dès le 10 du mois, ça aurait de la gueule non ? Un mois sans confortable paye ministérielle, ni voiture de fonction, sans frais de bouche et de transport remboursés ni logement d’aisance… Alors seulement, à prétention reposée, nous discuterions “cancer de l’assistanat” avec ce moralisateur de plateaux télé, pour le moment au paroxysme de la déconnexion dès qu’il glousse de son empathie en papier mâché les mots ”travail”,  ”classe moyenne” ou ”pauvreté” .


Article initialement publié sur le blog Les jours et l’ennui de Seb Musset

Photos flickr PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification lensa13.smugmug.com ; PaternitéPas d'utilisation commerciale incendiarymind ;  Yoann Brieux.

  1. Selon un récent rapport de Terra Nova qui fait débat, le vote de la classe populaire serait désormais acquis à la droite. Acquis à la droite ? Si la droite c’est la personne du Monarque, non. Si la droite, c’est la garantie d’un caddie gratuit par mois chez Carrouf avec suppression des radars et des coupons de reduc’ pour s’acheter un home-cinéma, ça se discute. Compliqué pour la gauche, toutes les gauches, de creuser un chemin tonifiant pour rallier l’homme-auto-entreprise au désir de collectif ou à la notion de solidarité. Compliqué mais pas sans espoir. Sinon à quoi bon. []

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