OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Internet ravit la culture http://owni.fr/2011/11/19/internet-ravit-la-culture-meme-justin-bieber/ http://owni.fr/2011/11/19/internet-ravit-la-culture-meme-justin-bieber/#comments Sat, 19 Nov 2011 10:18:54 +0000 André Gunthert http://owni.fr/?p=86935 Dans son célèbre article “L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique”, publié en 1939, Walter Benjamin dessine l’opposition paradigmatique de deux cultures. Face à l’ancienne culture bourgeoise, appuyée sur le modèle de l’unicité de l’œuvre d’art, les nouveaux médias que sont la photographie et le cinéma imposent par la “reproductibilité” le règne des industries culturelles.

Un demi-siècle plus tard, la révolution des outils numériques nous confronte à une nouvelle mutation radicale. La dématérialisation des contenus apportée par l’informatique et leur diffusion universelle par internet confère aux œuvres de l’esprit une fluidité qui déborde tous les canaux existants. Alors que la circulation réglée des productions culturelles permettait d’en préserver le contrôle, cette faculté nouvelle favorise l’appropriation et la remixabilité des contenus en dehors de tout cadre juridique ou commercial. Dans le contexte globalisé de l’économie de l’attention, l’appropriabilité n’apparaît pas seulement comme la caractéristique fondamentale des contenus numériques : elle s’impose également comme le nouveau paradigme de la culture post-industrielle.

Mythologie des amateurs

Cette évolution a d’abord été perçue de façon confuse. Au milieu des années 2000, la diffusion de logiciels d’assistance aux loisirs créatifs, le développement de plates-formes de partage de contenus, ainsi qu’une promotion du web interactif aux accents volontiers messianiques alimentent l’idée d’un “sacre des amateurs”. Appuyée sur la baisse statistique de la consommation des médias traditionnels et la croissance corollaire de la consultation des supports en ligne, cette vision d’un nouveau partage de l’attention prédit que la production désintéressée des amateurs ne tardera pas à concurrencer celle des industries culturelles.

Dans cette mythologie optimiste, l’amateur est avant tout conçu comme producteur de contenus vidéos, selon des modalités qui ont des relents de nouveau primitivisme. Dans le film Soyez sympas, rembobinez ! (Be Kind Rewind, 2008) de Michel Gondry, qui fait figure d’allégorie de la révolution des amateurs, les vidéos bricolées par les héros en remplacement des cassettes effacées rencontrent un succès phénoménal auprès du public local. Cette réception imaginaire traduit la croyance alors largement partagée que la production naïve des amateurs est capable de susciter un intérêt comparable ou supérieur aux productions professionnelles.

Racheté par Google en 2006 pour 1,65 milliards de dollars, YouTube incarne exemplairement ce nouveau Graal. Mais la plate-forme ne tient pas la promesse signifiée par son slogan : “Broadcast yourself“. Il devient rapidement clair que les services d’hébergement vidéo sont majoritairement utilisés pour rediffuser des copies de programmes télévisés ou de DVD plutôt que pour partager des productions originales. Guidée par la promotion automatique des séquences les plus fréquentées, la réponse du moteur de recherche aux requêtes des usagers accentue la valorisation des contenus mainstream.

A la fin des années 2000, malgré quelques exemples isolés, il faut admettre que les “contenus générés par l’utilisateur”, ou UGC, n’ont pas révolutionné les industries culturelles ni créé une offre alternative durable. YouTube a été envahi par les clips de chanteurs à succès, diffusés par leurs éditeurs à titre de publicité, qui sont parmi les contenus les plus regardés de la plate-forme. L’autoproduction reste présente en ligne, mais n’est plus mise en avant par la presse, dont la curiosité s’est déplacée vers les usages des réseaux sociaux. Construite par opposition avec le monde professionnel, la notion même d’amateur apparaît comme une relique de l’époque des industries culturelles – qui maintiennent fermement la distinction entre producteurs et public –, plutôt que comme un terme approprié pour décrire le nouvel écosystème.

La mythologie des amateurs, qui n’est qu’un cas particulier de la dynamique générale de l’appropriation, est désormais passée de mode, en même temps que le slogan du web 2.0. Elle n’en laisse pas moins une empreinte profonde, symbole de la capacité des pratiques numériques à réviser les hiérarchies sociales, mais aussi du passage de la démocratisation de l’accès aux contenus (décrite par Walter Benjamin), à la dimension interactive et participative caractéristique de la culture post-industrielle.

L’appropriation comme fait social

Quoique le terme d’appropriation puisse renvoyer aux formes légitimes de transfert de propriété que sont l’acquisition, le legs ou le don, il recouvre de façon plus générale l’ensemble du champ de la transmission et désigne plus particulièrement ses applications irrégulières, forcées ou secondes, comme la conquête, le vol, le plagiat, le détournement, l’adaptation, la citation, le remix, etc. Bornées par la codification moderne du droit de propriété, les pratiques de l’appropriation semblent héritées d’un état moins sophistiqué des échanges sociaux.

Le volet le plus apparent de l’appropriation numérique est l’activité de copie privée. Avant la dématérialisation des supports, le caractère fastidieux de la reproduction d’une œuvre audiovisuelle freinait son extension; sa circulation était nécessairement limitée à un cercle restreint. L’état numérique balaie ces contraintes et stimule la copie dans des proportions inconnues. L’industrie des contenus, qui voit chuter la vente des supports physiques, CD ou DVD, décide de combattre cette consommation parallèle qu’elle désigne sous le nom de “piratage”. En France, la ministre de la Culture Christine Albanel charge en 2007 Denis Olivennes, alors PDG de la FNAC, d’élaborer une proposition législative visant à sanctionner par la suspension de l’abonnement internet le partage en ligne d’œuvres protégées par le droit d’auteur.

Le projet de loi “Création et internet”, ou loi Hadopi, repose sur l’idée d’une automatisation de la sanction, dont le processus devrait pouvoir se dérouler hors procédure judiciaire à partir des signalements effectués par les fournisseurs d’accès, sur le modèle des contraventions envoyées à partir des enregistrements radar de dépassement de la vitesse autorisée sur le réseau routier.

En juin 2009, cet aspect du projet législatif est censuré par le Conseil constitutionnel. Un dispositif revu, qui sera finalement adopté en octobre 2009, contourne cet obstacle en imposant à l’abonné la responsabilité de la sécurisation de son accès internet. En juillet 2011, l’institution nouvellement créée indique avoir reçu en neuf mois plus de 18 millions de constats de la part des sociétés d’auteurs (SCPP, SACEM, etc.), soit 75 000 saisines/jour. Ces chiffres expliquent le choix d’un traitement “industriel” de la fraude, seule réponse possible face à l’ampleur du phénomène.

Ces mêmes indications auraient pu conduire à s’interroger sur la nature des pratiques incriminées. Peut-on encore qualifier de déviant un comportement aussi massif ? N’est-il pas plus légitime de le considérer comme un fait social ? D’autres approches tentent au contraire d’intégrer les pratiques appropriatives au sein du paysage culturel. Proposées en 2001 par le juriste Lawrence Lessig sur le modèle du logiciel libre, les licences Creative Commons se présentent comme des contrats permettant à l’auteur d’une œuvre de définir son degré d’appropriabilité.

Ces élaborations juridiques contradictoires illustrent les tensions occasionnées par les usages numériques dans le monde des œuvres de l’esprit. La publication à l’automne 2010 de La Carte et le Territoire, roman de Michel Houllebecq, est rapidement suivie par une polémique sur des emprunts non sourcés à l’encyclopédie Wikipedia, qui conduit à une brève mise en ligne d’une copie intégrale de l’ouvrage sous licence libre. Un accord sera finalement conclu entre Flammarion et les éditeurs de l’encyclopédie, qui manifeste l’existence d’un rapport de force entre appropriabilité numérique et propriété intellectuelle classique.

L’appropriation contre la propriété

Il existe divers degrés d’appropriation. La cognition, qui est à la base des mécanismes de transmission culturelle, est le stade le plus élémentaire de l’appropriation. Le signalement d’une ressource en ligne ressortit du mécanisme classique de la citation, dont il faut noter que la possibilité formelle n’est autorisée que par exception à la règle générale du monopole d’exploitation par l’auteur, qui caractérise la propriété intellectuelle. La collecte de souvenirs ou de photographies, telle qu’elle s’effectue habituellement dans le cadre du tourisme, héritière d’une tradition qui remonte aux pèlerinages, permet de préserver la mémoire d’une expérience passagère et représente une forme d’appropriation substitutive particulièrement utile lorsque la propriété des biens n’est pas transférable.

Ces trois exemples appartiennent à la catégorie des appropriations immatérielles ou symboliques. L’usage d’un bien, et plus encore sa modification, relèvent en revanche de l’appropriation matérielle ou opératoire, qui permet de mobiliser tout ou partie des facultés que confère sa propriété effective. C’est dans ce second registre que se rencontrent la plupart des pratiques créatives de l’appropriation.

L’appropriation symbolique, qui ne présuppose aucun transfert de propriété et fait d’un bien un bien commun, est un outil constitutif des pratiques culturelles. L’appropriation opératoire, en revanche, pose problème dès lors qu’elle s’effectue en dehors d’un droit légitime, et réclame des conditions particulières pour être acceptée.

Les débats récurrents suscités par les appropriations d’un artiste comme Richard Prince (qui a récemment perdu un procès contre un photographe dont il avait repris l’œuvre en attestent. Quoiqu’elles se soient progressivement banalisées depuis les années 1960, les pratiques appropriatives de l’art contemporain n’ont pas perdu tout caractère de scandale. Le geste de Marcel Duchamp proposant l’exposition d’objets manufacturés, les fameux ready-made, était un geste de provocation qui se voulait paradoxal. Celui-ci pouvait être toléré dans l’extra-territorialité du monde de l’art, et à la condition de procéder selon un schéma vertical, qui élève à la dignité d’œuvre des productions issues de l’industrie ou de la culture populaire, considérées à l’égal de l’art nègre, sans auteur et sans conscience.

Plutôt que l’appropriation bottom-up de l’art contemporain, celle qu’on observe en ligne procède selon un schéma horizontal, sur le modèle de la pratique musicale du remix (modification de version ou montage de plusieurs morceaux), popularisée à partir des années 1970 par la vogue du disco, dont l’intégration progressive dans les standards commerciaux est le résultat d’un long travail de socialisation, appuyé sur les intérêts économiques des éditeurs.

Si elles brouillent la frontière entre propriété symbolique et propriété opératoire, les pratiques numériques ne sont pas pour autant exonérées des contraintes de la propriété intellectuelle. Créé sous forme de jeu en octobre 2007, un site permettant aux internautes de modifier l’intitulé des couvertures de la série pour enfants “Martine”, créée par Gilbert Delahaye et Marcel Marlier, rencontre un franc succès, avant d’être fermé un mois plus tard à la demande des éditions Casterman (voir ci-dessous).

Qu’il s’agisse de la création de fausses bandes annonces sur YouTube, de remixes satiriques à caractère politique, des threads anonymes de 4chan ou de la circulation virale des mèmes (jeu appropriable de décontextualisation de motif) dont les traces seront effacées après usage, les conditions de l’appropriabilité numérique ne s’autorisent que d’expédients et de tolérances fragiles : la protection de l’anonymat ou de l’expression collective, la nature publicitaire des contenus, la volatilité ou l’invisibilité des publications, la méconnaissance de la règle, et surtout les espaces du jeu, de la satire ou du second degré, qui, comme autrefois le temps du Carnaval, sont des espaces sociaux de l’exception et de la transgression tolérée… La créativité du remix s’installe dans la zone grise formée par les lacunes du droit, des oublis du contrôle ou de la dimension ludique. Mais ces conditions font du web l’un des rares espaces publics où l’appropriation collective est possible, communément admise, voire encouragée.

Le 9 novembre 2009, jour anniversaire de la chute du Mur de Berlin, les services de l’Élysée mettent en ligne sur le compte Facebook de Nicolas Sarkozy une photo le montrant en train d’attaquer la paroi de béton au marteau et datent par erreur cette image du 9 novembre 1989. Devant les protestations de plusieurs journaux, le camp gouvernemental s’enferre dans sa confusion et multiplie les allégations pour justifier cette manipulation. En 24 heures, la réponse du web fuse, sous la forme d’un mème intitulé “#sarkozypartout”. Plusieurs centaines d’images retouchées mettent en scène le président dans les situations les plus célèbres de l’histoire mondiale, de la préhistoire au premier pas sur la Lune en passant par la bataille de Poitiers, la prise de la Bastille, le sacre de Napoléon ou l’assassinat de Kennedy (voir ci-dessous). Comme la plupart des phénomènes viraux, cette création parodique collective, diffusée de manière dispersée sur plusieurs sites et réseaux sociaux, constitue un événement éphémère sans archive, tout entier contenu dans l’expérience d’une réactivité instantanée.

Moins créative que réactive, l’appropriation numérique déploie à l’infini remixes et parodies, dans un jeu perpétuel du second degré qui finit par être perçu comme la signature du média. Lorsque Clément Chéroux, Joan Fontcuberta, Erik Kessels, Martin Parr et Joachim Schmid choisissent de célébrer la nouvelle création visuelle avec l’exposition “From Here On”, présentée en 2011 au festival de la photographie d’Arles, ils sélectionnent tout naturellement le travail de plasticiens qui recyclent, samplent et remixent des contenus collectés sur la toile, dans une surenchère appropriationniste volontiers ludique, désignée comme principe de l’écologie numérique.

De l’appropriation de la culture à la culture de l’appropriation

L’appropriation est le ressort fondamental sur lequel repose l’assimilation de toute culture, formée par l’ensemble des pratiques et des biens reconnus par un groupe comme constitutifs de son identité. Elle fournit depuis des temps immémoriaux la clé de la viralité des cultures, leur mécanisme de reproduction. Comme le montre Vincent Goulet, c’est par leur appropriabilité et leur usages conversationnels que les médias populaires existent dans l’espace public. Il y a eu plusieurs périodes où l’architecture juridique de la transmission légale des biens culturels cédait momentanément la place à des phases d’appropriation plus ou moins sauvage, comme par exemple aux premiers temps du cinéma, qui se caractérisent par le vol et le plagiat de formes, de techniques ou de contenus. Dans le contexte de la révolution numérique, pour la première fois, cet instrument essentiel de la construction culturelle apparaît à son tour comme une culture reconnue, un nouveau paradigme dominant.

L’écologie numérique ne fait pas qu’encourager la production de remixes. Elle établit l’appropriabilité comme un critère et un caractère des biens culturels, qui ne sont dignes d’attention que s’ils sont partageables. Hors-jeu, un contenu non-appropriable sera exclu des signalements des réseaux sociaux ou des indications des moteurs de recherche, évincé des circulations éditoriales qui constituent l’architecture de cet écosystème.

C’est ainsi que l’appropriabilité devient elle-même virale. Le mème est l’exemple-type d’un contenu qui comporte tous les ingrédients de sa remixabilité, et qui se propose non seulement comme un document à rediffuser, mais comme une offre à participer au jeu (voir ci-dessus). On trouvera une confirmation de la puissance de ces principes dans les tentatives effectuées par l’industrie pour investir ces mécanismes, en développant des formes conversationnelles autour des productions grand public.

L’économie marchande comme celle des œuvres de l’esprit ont construit leurs fonctionnements sur la valorisation de l’innovation et de l’exclusivité (dont les équivalents en art sont la création et l’auteurat), protégées par l’armure juridique de la propriété intellectuelle. La fluidité numérique a au contraire favorisé l’émergence d’une propriété collective qui valorise la remixabilité générale des contenus, la satire et le second degré. On peut penser que le chemin sera long avant que ces formes soient reconnues comme les manifestations d’une nouvelle culture dominante. Mais le plus frappant aujourd’hui, c’est à quel point cette culture est déjà inscrite dans les pratiques, à quel point son statut de culture dominante fait figure d’acquis pour les jeunes générations.

Version revue et corrigée de l’article “L’œuvre d’art à l’ère de son appropriabilité numérique”, Les Carnets du BAL, n° 2, octobre 2011, p. 135-147.


Billet initialement publié sur Icône, un blog de Culture visuelle
Illustrations, photographies, montages et captures d’écran par André Gunthert.
Illustration Hadopi/Pur et Copyright Free Face par Christopher Dombres [cc-by]

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Chatroulette et la création instantanée http://owni.fr/2010/03/19/chatroulette-et-la-creation-instantanee/ http://owni.fr/2010/03/19/chatroulette-et-la-creation-instantanee/#comments Fri, 19 Mar 2010 17:36:04 +0000 Damien Douani http://owni.fr/?p=10463 Un pianiste, une webcam, un service web de mise en relation au hasard par l’image.

Juste bluffant artistiquement parlant, et intéressant d’un point de vue “usages”. Ce qui m’amène deux réflexions :

– il est possible qu’un individu crée à la demande (user generated content), et ainsi de générer ce que j’appelle des “instant communities”, autrement dit attirer l’attention en fédérant autour d’un événement éphémère.

- le coup du musicien doué un peu bizarre, ça plait toujours autant aux filles ;-)

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Initialement publié sur Stan&Dam.

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Le journalisme, c’est du lien http://owni.fr/2009/06/22/le-journalisme-cest-du-lien/ http://owni.fr/2009/06/22/le-journalisme-cest-du-lien/#comments Mon, 22 Jun 2009 07:26:06 +0000 Eric Scherer http://owni.fr/2009/06/22/le-journalisme-cest-du-lien/ Constat partagé à l’issue du colloque, vendredi à Sciences Po Paris, des directeurs d’écoles de journalisme venus du monde entier pour échanger sur l’avenir de la formation au journalisme, en pleine crise majeure de la profession.

Le journalisme c’est avant tout du lien, pour être en phase avec la société, pour y être raccordé (connecté), pour échanger, avoir une conversation, fonctionner en réseaux, et non plus pour dispenser son savoir d’en haut, de manière magistrale. C’est bien la fin de la diffusion, du « broadcast », du « top-down », du « nous parlons, vous écoutez » ! Enfin !

En réalité, « les journalistes n’ont plus le choix : ou ils acceptent de fonctionner en réseaux avec leurs audiences, ou ils vont disparaître », a résumé le britannique Charlie Beckett, directeur du centre de recherche Polis sur le journalisme à la London School of Economics. « Ils vont devoir changer de manière fondamentale leurs pratiques s’ils veulent survivre ».

“A l’ère de l’information, d’abondances de données, nous avons plus que jamais besoin des fonctions de filtres, de vulgarisation, de mise en forme et de couverture de l’actualité (…) Je ne vois pas moins de demande pour du journalisme, mais un grand rejet des médias traditionnels », a estimé cet ancien journaliste de la BBC

.

Beckett, et d’autres lors du colloque, ont noté que ce nouveau « journalisme interconnecté, plus ouvert à la participation du public, et produisant une couverture plus distribuée », est en train de se développer rapidement.

Il décrit comment les anciennes « forteresses » (journaux, radios, télévisions,…), qui ont produit de l’excellent journalisme, sont aujourd’hui de plus en plus désertées (de gré ou de force) ou, pire, édifient de nouveaux murs et creusent des fossés encore plus profonds. Mais heureusement, les autres ont enfin abaissé leur pont levis. Ils ont laissé entré la paysannerie à l’intérieur et sont même sortis à leur rencontre. C’est le cas de la BBC ».

« La bonne nouvelle c’est que les gens, le public, y sont prêts et souhaitent cette participation. C’est pourquoi ils écrivent des blogs, montent des films, et bâtissent leurs réseaux en ligne. Ils veulent être partie prenante de la conversation sur leur monde et échanger sur la manière de vivre leurs nouvelles existences. Les journalistes doivent faciliter cette conversation ».

Le Guardian vient ainsi de proposer sur son site un module qui permet à tous de traquer les notes de frais des députés britanniques.

Et ce ne sont pas que des mutations organisationnelles ou des changements de modèles économiques qui sont à l’oeuvre, mais aussi des questionnements sur les contenus. Il ne sert évidemment à rien de transposer en ligne ses contenus imprimés ou TV. Et surtout, il n’y pas assez de valeur ajoutée, trop de duplication, trop de production journalistique facilement disponible ailleurs :

« Nous sommes tous fautifs d’un manque d’imagination (…) « Nous créons trop de contenus tous faits, ennuyeux, non pertinents, sans valeur ajoutée. Cela se voit désormais et cela ne va pas durer. Ca va même être douloureux ».

Sur les enseignements dispensés, les doyens d’écoles de journalisme ont été plutôt d’accord sur la nécessité d’insuffler rapidement des éléments business, technologiques, et fortement internationaux, dans leurs cours.

Le mot de la fin au doyen de la Columbia Journalism School américaine, Nicholas Lemann :

« Internet est la meilleure chose qui pouvait arriver aux écoles de journalisme. Il a l’air d’un medium qui déprofessionnalise ; en fait il requière bien plus de compétences que juste poster des informations en ligne ».

(full disclosure : j’étais modérateur de l’une des tables rondes de cette journée, enseigne à l’IPJ et interviens au CELSA et à l’ESSEC)
(Ce billet a aussi été publié sur mediawatch.afp.com)

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