OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 L’Uruguay tente l’Open Data à la demande http://owni.fr/2012/10/12/uruguay-tente-open-data-a-la-demande-quesabes/ http://owni.fr/2012/10/12/uruguay-tente-open-data-a-la-demande-quesabes/#comments Fri, 12 Oct 2012 07:00:26 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=122312 à la demande des citoyens. Lancé par une ONG militant pour l'accès démocratique aux données, QueSabes.org expérimente le concept en Uruguay. Interview d'un des initiateurs du projet, qui espère responsabiliser les politiques à coups de données ouvertes.]]> Lock in Hand - Photo CC by-nd Matt Dringenberg

Lock in Hand - Photo CC by-nd Matt Dringenberg

Quand nous sommes tombés sur QueSabes.org, nous avons cru quelques jours que l’Uruguay se positionnait en pointe du mouvement Open Data en Amérique du Sud. Ce n’est qu’après avoir discuté avec l’un des fondateurs de cette plate-forme que nous avons compris qu’il s’agissait là d’une initiative citoyenne  : demander aux Uruguayens les données qu’ils souhaitaient voir publier pour relayer ces doléances aux pouvoirs publics. Avocat de formation, enseignant-chercheur à la London School of Economics, le natif de Montevideo Fabrizzio Scrollini nous a exposé le projet qui l’anime depuis qu’il a découvert l’Open Data à l’anglaise.

Owni : comment est née l’idée du projet”Que Sabes.org” ?

Fabrizzio Scrollini : En m’installant à Londres, j’ai découvert les projets d’Open Data comme My Society et la Open Knowledge Foundation, qui impliquaient les citoyens dans le mouvement Open Data. De retour en Uruguay, j’ai réalisé qu’il y avait un terreau favorable pour ce type d’initiative : des programmeurs de la communauté du logiciel libre, des avocats et des chercheurs en sciences humaines s’intéressaient à l’impact de l’Open Data et voulaient en faire profiter le pays. Nous avons ainsi lancé DATA, une sorte d’ONG sous forme associative, composée de 35 bénévoles, une moitié de développeurs et une autre de scientifiques et de juristes. Le plus vieux à 35 ans ! Certains sont restés au pays, d’autres travaillent en Europe ou aux Etats-Unis : tout s’est monté par Skype et Google Chat ! Que Sabes.org est notre premier gros projet.

Tout s’est monté par Skype et Google Chat !

Pourquoi avoir choisi l’Uruguay pour lancer cette première initiative ?

Pour commencer, une partie des membres fondateurs de DATA sont originaires de ce pays (même s’il y a aussi des Anglais et des Américains, notamment). Ensuite, le pays a des caractéristiques intéressantes pour un tel projet : l’accès au web est supérieur à la moyenne (56%), il y existe une tradition forte de défense des droits de l’homme et elle constitue un bon terrain d’expérimentation à petite échelle avant de s’attaquer à de plus grandes zones géographiques.

Comment fonctionne Que Sabes ?

Le portail propose à chacun de déposer des demandes de données et de consulter celles qui ont déjà été déposées et transmises aux autorités. Le fait de pouvoir consulter les demandes déjà déposées est en soi une révolution car, du côté des pouvoirs publics, il n’y a aucun moyen de connaître le nombre de demandes et leur nature. Nous ne censurons rien mais nous excluons de la recherche les messages insultants pour l’Etat, ce n’est pas notre propos. En une semaine, nous avons reçu une centaine de demandes mais, au vu des statistiques, nous pensons que la cadence doublera assez vite. Une vingtaine portait sur la criminalité, beaucoup également sur la santé et le logement. D’autres sont plus “piquantes”, comme les questions portant sur le salaire des fonctionnaires. Mais nous ne jugeons pas les demandes, nous les prenons telles quelles.

Nous ne jugeons pas les demandes, nous les prenons telles quelles.

Quelle lien entretenez-vous avec les autorités ?

Nous avons des contacts informels avec des agents qui sont plutôt favorables à l’Open Data. En revanche, quand nous faisons des demandes aux administrations, les attitudes sont très variables. La mairie de Montevideo est très réticente malgré sa politique d’Open Data : les avocats de la ville réclament que chaque demande passe par un formulaire à télécharger en PDF sur leur site à déposer aux heures d’ouvertures de leurs bureaux. Pour ceux qui habitent à plus de 200 kilomètres de la capitale, c’est un peu compliqué ! Le National Service Office qui est chargé de la rémunération des fonctionnaires est tout aussi procédurier. A l’inverse, la présidence de la République s’avère particulièrement coopérante. Nous devons donc jouer avec son champ de compétences pour trouver les données que nous cherchons : nous avons pu récupérer grâce à elle des données sur la sécurité routière, l’environnement ou la criminalité. Il faut se frayer un chemin dans les prérogatives de chaque administration et ça rend la recherche et l’obtention des données parfois délicate. Mais il est essentiel d’être en contact avec les autorités car ce sont elles qui fixent les standards techniques et les formats des données dont nous relayons les demandes.

Les avocats de la ville réclament que chaque demande passe par un formulaire à télécharger en PDF sur leur site à déposer aux heures d’ouvertures de leurs bureaux.

L’Uruguay dispose-t-il d’une législation pour favoriser l’Open Data ?

La loi 18-381 d’octobre 2008, ou ley de acceso a la informacion publica, garantit théoriquement l’accès libre des citoyens aux données publiques. Sauf qu’en pratique, la tournure juridique uruguayenne a tendance à dénigrer les citoyens et leurs exigences. L’agence de e-gouvernement qui est chargée de son application est favorable à notre initiative  : elle nous a même prêté ses locaux pour le lancement officiel ! Mais le reste de l’administration n’est pas forcément au même niveau.

Quelle relation avez-vous avec le tissu des ONG sud-américaines  ?

Il y a une rupture très nette entre organisations à l’ancienne et organisations nées de l’essor des communautés numériques. Nous espérions pouvoir combler l’écart car les dissonances que provoque cette rupture ne sont pas favorables à des projets à l’échelle du continent. L’ONG uruguayenne Centre d’archivage et d’accès à l’information public (ou CAinfo) nous soutient depuis le début et nous avons également reçu les encouragements de l’Unesco.

Il y a une rupture très nette entre organisations à l’ancienne et organisations nées de l’essor des communautés numériques.

Quelles sont vos sources de financement  ?

Nous sommes tous bénévoles et nous mettons de notre poche pour les frais que génère le projet. Notre seule dépense réelle pour le moment a consisté à faire venir à Montevideo des activistes du Brésil, du Chili et d’Espagne pour le lancement de QueSabes.org. Quant au logiciel, il s’agit de Alaveteli, un programme open source développé par Francis Irving en Angleterre et qui fait tourner d’autres plates-formes du même type, comme What do they know. Nous avons pour projet de nous constituer en coopérative afin de garantir notre indépendance financière, ce qui est crucial au regard de notre projet.

Quels développements prévoyez-vous pour QueSabes.org ?

Que Sabes vise un projet de sensibilisation civique. Nous voudrions pouvoir offrir des stages aux jeunes pour leur apprendre à demander et trouver les informations qu’ils cherchent, en s’appuyant sur le programme One laptop per child, qui leur offre l’outil de base de leur recherche : un accès à Internet. Si nous réussissons notre expérience en Uruguay, nous envisageons de le répliquer au Paraguay voire dans des états d’Argentine… Toujours dans une démarche ouverte et coopérative. Il y a énormément de place pour les projets collaboratifs en Amérique latine.


Lock in Hand – Photo CC [by-nd] Matt Dringenberg

]]>
http://owni.fr/2012/10/12/uruguay-tente-open-data-a-la-demande-quesabes/feed/ 12
Les promesses oubliées du président Piñera aux gens des mines http://owni.fr/2011/05/19/chili-les-promesses-oubliees-du-president-pinera/ http://owni.fr/2011/05/19/chili-les-promesses-oubliees-du-president-pinera/#comments Thu, 19 May 2011 13:00:07 +0000 Anaëlle Verzaux http://owni.fr/?p=63030 Direction l’extrême nord du Chili. La « Mina Iris », une mine de lithium, est située à une cinquantaine de kilomètres à l’est d’Iquique, sur les anciennes terres péruviennes, annexées par le Chili lors de la guerre du Pacifique .

C’est là que travaille désormais l’un des anciens 300 mineurs de San José, Jorge Olivares, un mécanicien d’une trentaine d’années. Jorge est un petit svelte hyper-actif, un piercing au sourcil gauche, qui a le sourire attaché aux lèvres. C’est le gars qui détend l’atmosphère avec une bonne blague.


Agrandir le plan

Imaginez la Côte d’Azur, mais naturelle, sans immeubles ni touristes. Vous avez la route qui mène à Iquique, une cité portuaire de 221 000 habitants. L’entrée de la ville est annoncée par une statue de la taille d’un homme : un mineur et son pic. Iquique, tout un symbole ! En 1907, au moins cent vingt-six mineurs rassemblés à l’école Santa Maria d’Iquique pour protester contre leurs mauvaises conditions de travail se faisaient tuer, sur ordre du gouvernement.

Seul, il a gagné son procès contre la mine: 10 000€

Ce soir d’avril à Iquique, Jorge est fou. Il vient de gagner son procès contre San Esteban !

J’ai gagné ! Je vais toucher mes indemnités, j’ai gagné ! Ah ah, dix mille euros ! Je vais me payer un voyage au Brésil !

Jorge Olivares est le seul des 300 qui a intenté un procès à l’entreprise San Esteban Primero S.A., propriétaire de la mine San José. À la terrasse d’un café, au bord de l’océan, on trinque à sa santé.

Quand les 33 ont été libérés, San Esteban nous proposait de régler une première partie des « finiquitos » (Ndlr, les indemnités de licenciement) immédiatement, la deuxième trois mois plus tard (mais dans ce cas, le total aurait été inférieur au montant dû) ou étalé sur l’année, en douze fois. Pour toucher l’intégrale, il fallait attendre un an. Moi, je voulais avoir tout, tout de suite, ce qui me semblait normal.

Jorge Olivares, mécanicien, à la mine Iris de Lithium

Mais il a fallu se battre. Et d’abord, trouver un avocat. « Rien n’a été plus facile ! Quand mon ami Daniel Herrera, un des 33, a été transféré à l’hôpital de Copiapo, je suis allé lui rendre visite. Il y avait Sebastián Piñera et l’entourage présidentiel. Pendant que Daniel parlait avec Piñera, je discutais du problème des indemnités avec les proches du président. Ils m’encourageaient à porter plainte contre San Esteban. Il y en a même un qui m’a donné la carte de visite de son avocat. Je l’ai prise. Quelques jours plus tard, j’obtenais un rendez-vous. »

Sept mois après l’accident, le gouvernement délaisse les 300 mineurs, oubliant au passage les promesses qu’il avait faites, que ce soit sur l’amélioration des conditions de travail, ou l’aide au règlement des indemnités de licenciement.

Dix heures par jour pour 1600€ par mois

Le soleil se lève sur l’Atacama, balayant les montagnes de lumières orangées. Jorge Olivares et son chef, Eduardo Millacura, sont déjà à l’entrée de la mine. En contrebas, un énorme panneau :

Mina Iris : 85 jours sans accident

Surprenant ! « C’est une garantie que l’entreprise respecte les conditions de travail de ses ouvriers », lance fièrement Jorge. Sans le contredire, le chef reprend : « Mais malgré nos efforts et le fait que la mine soit à ciel ouvert, ce qui réduit les risques, on n’échappe pas aux accidents. L’année dernière, quatre mineurs chargeaient un camion d’explosifs de nitrate d’ammonium. Le camion a explosé, ils sont tous morts sur le coup. »
Depuis l’accident de San José, Eduardo a redoublé de précautions. Tous les matins, il réunit son équipe pour parler sécurité, puis les ouvriers doivent signer une fiche d’évaluation des risques.
Explications de Jorge :

Grâce à cette fiche, tu connais les risques que tu prends ce jour là. Tu peux toujours refuser le travail proposé. Mais un mineur ne refuse jamais. Ce n’est pas dans sa nature.

C’est aussi une astuce de l’entreprise pour se couvrir d’éventuelles poursuites judiciaires, en cas de pépin.

Eduardo Millacura, le chef de la mine Iris (près d’Iquique)

Jorge Olivares semble ravi. « D’abord, je suis aussi bien payé qu’à San José », environ 1600 euros par mois. « Ensuite, je travaille en plein air, alors qu’à San José, les souterrains étaient bouillants (entre 35 et 40 degrés, 95 % d’humidité). Il nous arrivait même de travailler en caleçon, avec de l’eau jusqu’aux cuisses ! ». Et s’il travaille dix heures par jour, les temps de repos sont fréquents, ce qui lui permet de rentrer à Copiapo cinq jours toutes les deux semaines.

Il faut compter quatorze heures de bus, mais j’y pense pas, je dors presque tout le temps du voyage.

Les employés des sous-traitants n’ont rien touché

Les autres mineurs ont eu moins de chance, question argent. Ceux qui n’étaient pas employés par San Esteban mais par une entreprise sous-traitante, n’ont rien touché. Les autres, la majorité des 300, ont d’abord perçu la moitié de leurs indemnités de licenciement (en moyenne 300 000 pesos chiliens, soit un peu moins de 500 euros), en décembre. Mais de la deuxième partie, ils n’ont eu, en moyenne, que 4000 pesos, l’équivalent de… deux cafés crème !
Les rares syndicalistes de San Esteban continuent de suivre le dossier, mais désespèrent de voir un jour tomber le reste des indemnités. « Il paraît que c’est pour octobre », soupire Horacio Vicencio, un mineur d’une cinquantaine d’années, numéro 2 du syndicat des travailleurs, le premier syndicat de San Esteban.
Les 300 ruminent. Certains manifestent de temps en temps à Copiapo, dans l’indifférence quasi générale. Le 18 octobre 2010 déjà, une centaine de mineurs, avec femmes et enfants, s’étaient rassemblés sur le « camp de l’Espoir ». Sur certaines banderoles, on pouvait lire :

San Esteban, nous ne sommes pas 33, nous sommes 300.

Marcelo Kemeny et Alejandro Bohn, les patrons de l’entreprise San Esteban, font, quant à eux, valoir un argument choc : nous n’avons pas l’argent pour payer.
Malgré sa production exceptionnelle : près de 3 tonnes de cuivre par jour, et ses réserves d’or proches du milliard de dollars, l’entreprise était manifestement en difficulté. Avant l’accident, Kemeny et Bohn devaient déjà plus de 2 millions de dollars au gouvernement chilien. Mais qui doit indemniser les mineurs ? Qui est responsable de l’accident ?
Pablo Ramirez, ancien chef d’équipe à San José :

Les responsables, c’est avant tout Bohn et compagnie. On le savait depuis longtemps, que la mine était dangereuse. Il n’y avait même pas d’échelles de secours, pourtant obligatoires dans toutes les mines au Chili. Normalement, des filets de sécurité doivent couvrir la voûte, pour maintenir les pierres branlantes. Là, toutes les pierres étaient branlantes, mais il n’y avait de filets de sécurité que sur une infime partie de la mine, 20 % tout au plus.

Selon une enquête du Congrès chilien déclenchée fin août 2010, à San José, le taux d’accidents était supérieur de 307 % à la moyenne nationale.

Dans un café fleuri de Copiapo, Horacio Vicencio tourne machinalement sa petite cuillère dans sa tasse à café vide. Pour ce mineur et responsable syndical, la responsabilité est partagée entre l’entreprise et le gouvernement :

En 2008, alors que les mines San José et San Antonio étaient fermées depuis un an pour non respect des conditions de sécurité, le gouvernement chilien [Ndlr, à l'époque il s'agit du gouvernement de la Concertacion, une coalition de gauche] a autorisé la réouverture de San José. Depuis, chaque année, les autorisations d’exploitation de la mine ont été renouvelées, alors qu’aucun travaux significatif n’a été fait. Nous (les syndicalistes) avons depuis demandé que des enquêtes indépendantes soient menées, on ne nous a jamais répondu. Pire, le président de notre syndicat, Xavier Castillo, a été mis au placard. Il était salarié à San José, mais n’a jamais eu le droit d’y travailler. Les directeurs l’empêchaient d’être en contact avec les autres mineurs.

L’actionnaire principal de San Esteban, c’est l’Etat…

Parallèlement, le 30 septembre 2010, l’avocat de 27 des 33 rescapés de San José, Edgardo Reinoso, a porté plainte contre San Esteban, mais aussi contre le gouvernement, au nom des familles. Il réclame 27 millions de dollars de dommages et intérêts (soit un million de dollars par mineur), pour mise en danger de la vie d’autrui. Mais « le procès n’avance pas. La justice chilienne a souvent ses lenteurs… ».

A mesure qu’il parle, Vicencio est de plus en plus remonté. « Quand les 33 étaient prisonniers de la mine, Sebastián Piñera, qui s’inquiétait beaucoup de son image, a fait croire au monde entier que San José était entièrement privée ! En réalité, l’actionnaire principal de San Esteban, c’est Enami, une entreprise minière nationale. Qui plus est, à San José, Enami gérait tout ce qui relevait des services ; elle devait par exemple fournir le personnel médical… En décembre, c’est Enami qui a payé la moitié des indemnités des 300 mineurs. Mais elle a donné l’autre partie à San Esteban, qui ne l’a jamais redistribuée ! »
Sebastián Piñera avait, quant à lui, promis d’améliorer les conditions de travail des mineurs.
Deux jours après leur sauvetage, il avait ainsi déclaré aux 33 :

Nous pouvons garantir que plus jamais dans notre pays nous ne permettrons qu’on puisse travailler dans des conditions aussi peu sûres et inhumaines. Dans les prochains jours, nous annoncerons à la nation un nouvel accord avec les travailleurs.

Las, aucune loi sur le sujet n’a, depuis, été votée. Les conditions de travail dans les mines n’ont pas changé.
De leur côté, les responsables de San Esteban n’ont pas été inquiétés.
Mineurs et journalistes cherchent, en vain, à les contacter, mais les deux directeurs se font discrets. Seul un photographe-reporter a, un soir d’avril, croisé par hasard, Marcelo Kemeny au Casino de la ville.

C’était incroyable, ce mec soi-disant ruiné empochait des tas de billets ! Quel con, si j’avais eu mon appareil photo sur moi, je faisais un carton !


Photos Anaëlle Verzaux

]]>
http://owni.fr/2011/05/19/chili-les-promesses-oubliees-du-president-pinera/feed/ 0
Des héros nationaux retournés à la misère http://owni.fr/2011/05/18/chili-largent-et-la-misere-des-33/ http://owni.fr/2011/05/18/chili-largent-et-la-misere-des-33/#comments Wed, 18 May 2011 06:30:16 +0000 Anaëlle Verzaux http://owni.fr/2011/05/16/chili-largent-et-la-misere-des-33/ Les 33 souffrent de troubles psychologiques. C’était écrit.

Mais, au moins le drame qu’ils ont vécu leur ferait gagner beaucoup d’argent, de quoi vivre paisiblement le restant de leurs jours, pensaient-ils. C’était la promesse. D’ailleurs, Sebastian Pinera et un autre milliardaire, Leonardo Farkas, ne leur avaient-ils pas fait de somptueuses déclarations ? Sept mois après leur sauvetage, le constat est rude. Les revenus des 33 mineurs ne dépassent pas 700 euros, et leurs maisons ne suintent pas le luxe.

Mario Gomez, le patriarche des 33

Visite surprise. Nous attendons plusieurs minutes devant une petite porte en bois vétuste avant que Mario nous ouvre. Mario Gomez, à 64 ans, est l’aîné des 33. Ancien marin, c’est un échalas au regard vif, d’une gentillesse rare. Et trois doigts en moins, perdus dans une explosion à San José, il y a quelques années. D’un geste, il nous invite à entrer dans sa maison en travaux. « Pardonnez le désordre ». Sa femme, à l’entrée, parfumée, bien vêtue, le bras gauche dans le plâtre, plie des vêtements sur un grand lit qui occupe toute la pièce. « Je n’ai pas eu de chance, la veille de notre mariage, je suis tombée, mon bras s’est cassé », soupire Lilianett.

Le salon s’ouvre sur le reste de la maison. Une cuisine, vide, d’un côté, un escalier qui grimpe aux chambres des enfants de l’autre, et une large ouverture sur le chantier. Il n’y a pas d’isolation. Copiapo, située au coeur du désert d’Atacama, est une petite ville au climat aride et chaud, mais la nuit, la température peut descendre en dessous de 0 degrés. Mario désigne la bâtisse.

J’ai commencé les travaux dès que je suis sorti de San José, on agrandit parce que l’hiver, avec mes petits enfants, on est onze à vivre ici. Mais ça traîne… nous n’avons plus d’argent pour payer les ouvriers.

Dans le salon, Mario nous offre une première cigarette, et raconte ses galères. Malgré son âge avancé et ses 46 ans de service en tant que chauffeur de camion à San José, il était payé 1600 euros brut par mois, l’un des plus bas salaires de la mine. Réputée dangereuse déjà avant l’accident du 5 août, les mineurs y étaient relativement bien payés, entre 800 et 3000 euros par mois en fonction du poste occupé.

Mes indemnités se sont vite évaporées, et je suis trop vieux pour retravailler à la mine. Il n’y avait qu’à San José qu’on acceptait de faire travailler des ancêtres comme moi !

Sa retraite ne dépassera pas 280 euros par mois: « Nos retraites sont minables. Comme notre système de santé. » Au Chili, les hôpitaux publics, réputés pour leur inefficacité, débordent. Trop de patients, pas assez de personnel, manque de budget.

C’est simple, si tu veux être bien soigné, tu dois aller dans les cliniques privées, mais il faut payer très cher. Si tu n’as pas d’argent, on te laisse crever.

Mario regarde longuement sa femme. Ils se sont résignés à faire plâtrer son bras dans le public. La plupart des 33 sont dans la même situation financière que Mario.

A cause de son ordonnance médicale, José Ojeda ne travaille pas. « Je gagne quand même une partie de mon ancien salaire, soit 600 dollars (422 euros) par mois ».

Le mineur Daniel Herrera, au musée des 33 à Copiapo.

Daniel Herrera, 29 ans, était employé par un des prestataires de service de la mine. Il touche en ce moment 500 euros par mois, alors que son salaire était de 800 euros. « Je suis plutôt chanceux, ceux qui n’ont pas d’ordonnance médicale n’ont rien du tout ! »

Or, si quelques-uns se sont lancés dans le commerce de quartier, aucun n’a repris le travail à la mine. Ce n’est pourtant pas l’envie qui manque !

Tandis que José Ojeda rêve d’une mine à ciel ouvert, Florencio Avalos, le premier des 33 à avoir été évacué de San José, a déjà déposé sa candidature dans une nouvelle mine, sur la « Terra Amarilla » (« la terre jaune »), à dix kilomètres de Copiapo. « Cette mine, grande, est réputée pour sa sécurité. Rien à voir avec San José ! », assure un ami mineur de Florencio, qui l’a aidé à chercher un nouveau poste.

L’histoire des messages censurés

Une jeune femme ravissante entre, un enfant dans les bras. La fille de Mario ressemble à Esmeralda avec ses longs cheveux noirs. Sa petite fille, Camila, est un grand bébé de trois ans.

Allez, à table ! Pour le dîner, on dépose sur la table du pain rond, des lamelles d’emmental, un morceau de beurre, et du thé. Installée sur les genoux de sa mère, Camila déguste une banane.

Mario chuchote à l’oreille de sa femme, puis annonce, à haute voix : « Je vais vous confier deux secrets ». Il saisit un livre sur une étagère. Une histoire des 33 parmi tant d’autres, et en couverture, l’image du premier message arrivé à la surface, sur lequel s’est appuyé le Président du Chili Sebastian Pinera, pour annoncer au monde que les 33 mineurs étaient vivants.

Estamos bien en el refugio, los 33.

(« Nous allons bien, les 33 dans le refuge »)

Le vieux mineur pose le livre sur la table et nous demande de regarder attentivement la couverture :

Regarde bien le message. D’abord, contrairement à ce que Pinera a fait croire au monde entier, ce n’est pas le message dans sa version originale. Le papier sur lequel avait écrit José Ojeda, l’auteur du texte, n’était pas quadrillé comme on le voit sur la photo. Le Président a fait recopier le texte sur un papier officiel. C’est un premier mensonge de Pinera.

Ensuite, Pinera a dit que le message de José était le premier arrivé à la surface. C’est faux ! Nous avions envoyé plusieurs lettres en même temps. Seuls deux messages avaient été bien attachés et sont arrivés intacts à la surface. Celui de José Ojeda et le miens, qui s’adressait au pays tout entier, mais il y avait une mention spéciale pour ma femme. Mon message a été censuré ! Lilianett ne l’a jamais reçu.

On a envie de faire confiance à Mario.

Par la suite, beaucoup de messages ont été censurés par des psychologues – spécialement envoyés à San José pour gérer la santé psychique des 33 –, voire par les services du gouvernement.

Avant de quitter la famille Gomez, nous leur demandons de combien ils ont besoin pour achever de construire leur maison. 4000 dollars, soit 2800 euros par mois. « Pour nous, c’est beaucoup », assure Lilianett.

Yonni Barrios, l’ex mineur aux deux femmes

La boutique de Yonni Barrios et son amie Susana Valenzuela

Qui se souvient de Yonni Barrios ? Le mineur-docteur aux deux femmes ! Son épouse et sa maîtresse s’offraient des disputes publiques sur le camp de l’Espoir. C’était une de ces histoires alléchantes pour les 2000 journalistes passés par San José… Quand il est sorti de la capsule, Yonni s’est plongé dans les bras de sa maîtresse. Depuis, Yonni a un peu voyagé, et choppé la silicose, une maladie pulmonaire grave, que les mineurs finissent généralement par attraper. Comme avant l’accident, il habite le quartier le plus pauvre de Copiapo. Perchée en haut d’une route sinueuse flanquée de graviers, la maison est difficilement accessible. Même notre vieux 4×4 dérape.

Sur les bas côtés, quatre hommes boivent du rhum à la bouteille et regardent passer les femmes. C’est aussi le quartier des dealers de cannabis, marijuana et cocaïne.

Une femme ronde, les cheveux blonds, courts, est postée à l’entrée, derrière un comptoir. « On a eu notre troisième client tout à l’heure ! » Ici, on vend de tout. Fruits et légumes, boissons, chewing-gum, produits beauté. Yonni Barrios et Susana Valenzuela, son ancienne maîtresse, ont ouvert ce petit commerce la veille. Yonni, la cinquantaine passée, regarde une émission de variétés à la télé. « Je vous en prie, asseyez-vous, mais loin de moi, hein ! Tenez, vous serez très bien sur cette chaise près de ma femme ! » On se marre. Ah, les femmes et leurs crises de jalousie… Et sa vieille épouse qui habite à deux pâtés de maisons !

Les murs sont couverts de photos. Yonni à la sortie de la mine, Yonni et son éternelle amante, Yonni aux Etats-unis, en Angleterre, en Israël. Des fils électriques parcourent maladroitement les parois du petit salon. Une plaque de taule sert de plafond. Comme chez Mario, pas d’isolation.

Yonni sur la moto à 9000$ offerte par le milliardaire Farkas.

Mais au fond de la pièce, resplendit une grosse moto rouge vif, splendide, déposée là comme un trophée. Yonni jubile. « C’est le cadeau de Farkas ! » Farkas, un milliardaire chilien de Copiapo (il habite une villa posée sur une montagne de l’Atacama, à quelques kilomètres de la ville), est fameux dans le coin, et généreux. Il a offert la même moto à tous les 33, d’une valeur de 9000 dollars. Plus une maison à trois d’entre eux !

Pendant la longue opération de secourisme, en août et septembre dernier, le milliardaire s’est fait remarquer plusieurs fois sur le camp de l’Espoir, au volant de son Hummer jaune. Dans son livre, le journaliste Jonathan Franklin raconte :

Impossible de louper Leonardo Farkas avec son costume sur mesure d’Ermenegildo Zegna, ses boutons de manchettes et ses boucles de cheveux teints en blond qui se balancent sur ses épaules (…) Sortant d’un bond de son véhicule, boucles au vent et dents étincelantes, Farkas a l’air d’un chanteur de Las Vegas qui s’est trompé de désert. Il commence à distribuer des enveloppes blanches, une par famille. A l’intérieur, un chèque de 5 millions de pesos (environ 7500 euros).

Puis le milliardaire eût l’idée de rassembler suffisamment d’argent (un million de dollars par mineur) pour que les 33 aient de quoi vivre sans travailler pour le restant de leurs jours. Las, l’idée ne s’est pas encore concrétisée.

Restent les motos rouges. Certains l’ont échangée, d’autres revendue. Yonni Barrios ne peut pas encore l’utiliser à cause de sa jambe, qu’il a fêlée en retapant sa maison. Le mineur sourit.

Ce n’est pas grave, en attendant, elle décore la pièce !

L’accident de San José aura été une parenthèse, entre l’horreur et le rêve. Une parenthèse de scène comme un acteur sans talent particulier qui n’aurait joué, par hasard, que dans un seul film à succès.

_ _ _ _ _ _

Photos FlickR CC Desierto Atacama / Anaëlle Verzaux.
_ _ _ _ _ _

]]>
http://owni.fr/2011/05/18/chili-largent-et-la-misere-des-33/feed/ 5
L’étrange couverture médiatique de la Libye par la télévision vénézuélienne http://owni.fr/2011/03/05/libye-telesur-venezuela/ http://owni.fr/2011/03/05/libye-telesur-venezuela/#comments Sat, 05 Mar 2011 13:44:42 +0000 Julian Ortega Martinez http://owni.fr/?p=49624 Sauf mention contraire, tous les liens inclus dans cet article sont en espagnol.

La chaîne d’informations latino-américaine teleSUR, qui est soutenue par le gouvernement vénézuélien et transmet depuis Caracas, a réussi au début de la semaine à envoyer plusieurs journalistes à Tripoli (parmi lesquels l’envoyé spécial Jordán Rodríguez) pour couvrir la crise en Libye. Cependant, sa couverture du sujet, très différente de celle d’autres médias internationaux [en anglais], a attiré l’attention de beaucoup de latino-américains.

A la différence de sa couverture des manifestations en Égypte, où TeleSUR se servait principalement des reportages d’Al Jazeera (les deux médias ont un accord qui date de 2006) et qui furent qualifiées de “victoire” par la chaîne, TeleSUR semblait, particulièrement durant les premiers jours de sa couverture en Libye, se positionner en faveur de Mouammar al Kadhafi. Des critiques de teleSUR ont affirmé que la chaîne était un “outil de propagande” pour le Président vénézuélien de gauche, Hugo Chávez. La semaine précédente, lorsque des rumeurs sur la supposée fuite de Khadafi au Vénézuela ont surgi, nombreux ont été ceux qui se sont rappelés les étroites relations entre les deux dirigeants.

Prometeo de Poder5 compare la couverture de teleSUR sur la Libye avec celle effectuée par des médias tels qu’Al Jazeera et la BBC :

Le fait est que l’on n’a pas permis aux médias de tout filmer comme ils le voulaient. Seule la télévision d’État fonctionne, ce que l’on voit par le biais d’Al Jazeera et d’autres a été rapporté par de courageux journalistes qui se sont infiltrés et par des citoyens libyens qui ont pris des photos avec leurs mobiles et leurs appareils photo pour les envoyer à l’étranger.
Curieusement, la chaîne d’information teleSUR s’est rendue dans le même lieu où se déroulaient les manifestations mais elle rapporte que tout va bien.
[…]
Je m’interroge : ceux de TeleSUR seraient-ils arrivés dans un autre pays par erreur ? Manipuleraient-ils l’information ? Y aurait-il un ordre du jour fixé par le gouvernement d’Hugo Chávez, le propriétaire de teleSUR, pour donner une bonne image de son ami Kadhafi ?

Il y a eu aussi une polémique en Argentine, lorsque l’agence d’informations d’État Télam a cité la couverture de teleSUR pour faire savoir que “Tripoli est en paix”.

L’observatoire marxiste argentin des médias publie un courrier électronique envoyé par un rédacteur qui travaille pour l’hebdomadaire local trotskiste, en lequel il critique aussi la couverture de teleSUR sur la Libye :

On comprend pourquoi teleSur, la chaîne d’information dont le siège est à Caracas, a traité de façon très différente les événements qui se sont passés en Égypte et ceux qui secouent aujourd’hui la Libye. Alors que voici quelques semaines, elle retransmettait presque 24h/24h ce que diffusait Al Jazeera, qui parlait de la “révolution sociale triomphante”, aujourd’hui, elle informe à peine sur ce qui se passe en Libye, en accordant un traitement spécial au gouvernement de Kadhafi et en disant même que “la tension en Libye en faveur et contre le Président se poursuit”. Mais ils ne peuvent transmettre beaucoup car toute information plus ou moins sérieuse qu’ils doivent rapporter de là-bas parle de la répression brutale, sanguinaire et meurtrière que Kadhafi exerce contre la population libyenne.

Mais Ález Arango, du blog d’extrême gauche Utopía la palabra, défend teleSUR et critique au passage la position du philosophe gallois (et partisan d’Hugo Chávez) Alan Woods :

TeleSur dispose d’une équipe de journalistes au cœur de Tripoli. Il s’agit d’un média de communication alternatif qui informe de manière objective sur les événements qui ont lieu en Afrique du Nord.

[…] Je veux déclarer que les rapports de Monsieur Alan Woods sont exclusivement basés sur des informations en provenance des médias occidentaux pro-capitalistes dont fait partie Al Jazeera […] Faire écho aux informations des agences de presse occidentales et les prendre comme vérité révélée implique une très grande probabilité d’interpréter faussement la réalité et de faire partie de la chorale dirigée par l’Occident, dont l’intention est d’occuper la Libye, de s’installer sur ce territoire pour gagner de l’espace et de pouvoir évaluer de là l’essor révolutionnaire des peuples arabes.

Le blog satirique anti-Chavez El Chigüire Bipolar se moque de la chaîne avec un message intitulé “teleSUR rapporte que depuis Google Earth la Libye apparaît “tout à fait normale”.

La twittosphère s’en mêle

Twitter n’a pas échappé à la polémique. Alonso Moleiro (@amoleiro), un journaliste à Caracas, affirme :

L’épisode de la Libye, c’est la mort définitive de la crédibilité de teleSur.

Santiago B. (@santib_), aussi de Caracas, demande :

TeleSur n’aurait-elle pas surpris le propre ambassadeur de la Libye devant l’ONU qui pleurait le massacre de milliers de ses compatriotes ?

@elojocondientes tweete depuis l’Argentine :

TeleSur est en train de faire une couverture spectaculaire. Je te recommande de suivre l’émission Dossier de W. Martinez. Impeccable. #Libya

Au Venezuela, Abi (@AbiG90) écrit :

J’aimerais savoir ce que pensent le responsable de l’émission Dossier y teleSur de toutes les preuves qu’il y a de ce qui se passe en Libye.

Carlos R. (@komunikt) écrit depuis la capitale vénézuélienne :

Selon TeleSur, ce qui arrive en #Libye est une bagarre entre voisins qui ne s’étend pas au-delà de la ruelle où il y a eu empoignades.

@radiomachaca plaisante:

TeleSur fait savoir: La demeure de Kadhafi en Libye brûle mais du calme, c’est une vieille tradition pour témoigner de son amour au Chef.

Controverse interne chez TeleSUR

Al Giordano, directeur et éditeur de The Narco News bulletin , a publié une longue critique de teleSUR [en anglais], dans laquelle il qualifie la couverture de la chaîne de “catastrophe” et affirme que cette dernière “a fourni à ses téléspectateurs une version complètement occultée et fausse des événements en Libye. Elle a servi d’outil de propagande pour le dictateur libyen dans l’embarras.” Son article en ligne a reçu de nombreux commentaires et quelques jours après, Al Giordano en a publié un autre dans lequel il révèle qu’il y a une controverse à ce sujet au sein même de teleSUR :

Il pourrait être intéressant pour nos lecteurs d’apprendre que le reporter [envoyé par teleSUR dans l'ouest de la Libye] Reed Lindsay, est un diplômé de la Narco News School of Authentic Journalism , promotion 2003 [ndt :actuellement chef du bureau de TeleSur à Washington], et que nous avons été informés par d’autres journalistes de teleSur qu’il y a en ce moment même un vif débat au sein du dit organe de presse relativement à sa couverture de la Libye. Le fait que des journalistes au sein de la chaîne – également salariés de la station – aient émis de fortes objections à la dissimulation et à la malhonnêteté qui ont jalonné la couverture de la Libye par teleSur jusqu’à présent, est probablement sans précédent depuis six ans que la chaîne émet. Tout comme lors de la révolution bolivarienne, il y a vraiment beaucoup de personnes qui ont une conscience et qui considèrent les droits de l’Homme et la Résistance comme de plus grandes priorités que les alliances géopolitiques ; de fait, les choses ont pris un tour intéressant, c’est le moins que l’on puisse dire. Attendons donc pour voir.

Vendredi 25 février, il a été annoncé qu’une équipe de teleSUR avait été arrêtée à Tripoli bien qu’elle voyageait dans un véhicule diplomatique vénézuélien ; le mobile de Jordán Rodríguez a été saisi (avec lequel le journaliste avait enregistré quelques images à Tripoli) ; Jordán Rodriguez tout comme son caméraman Jesús Romero ont été frappés par un groupe de policiers. Samedi, Rodríguez a tweeté que les journalistes des médias étrangers logeront à l’hôtel Roxes de Tripoli.

.

Article initialement publié sur Global Voices en Français

Traduction : Noele Belluard-Blondel

>> illustrations flickr CC Alejandro Villanueva ; Robert Garcia

Retrouvez notre dossier ainsi que l’ensemble de nos articles sur la Libye.

]]>
http://owni.fr/2011/03/05/libye-telesur-venezuela/feed/ 8
Et si on donnait à l’argent une odeur de sainteté ? http://owni.fr/2010/12/03/definir-dautres-valeurs-avec-des-monnaies-libres/ http://owni.fr/2010/12/03/definir-dautres-valeurs-avec-des-monnaies-libres/#comments Fri, 03 Dec 2010 11:39:38 +0000 Admin http://owni.fr/?p=37877

Billet publié initialement sur OWNIpolitics sous le titre : Les monnaies sociales: et si on arrachait aux banques le privilège de la monnaie ?

La croissance du PIB reflète-elle le bien-être de notre société ? Notre richesse se mesure-t-elle à notre compte en banque ? Fin 2009, une amie nous prête le livre de Patrick Viveret, « Reconsidérer la Richesse », sa Bible nous dit-elle, elle deviendra aussi la notre…

Patrick Viveret critique le PIB, expliquant que cet indicateur est complètement inadapté aux grandes questions sociales et écologiques, voire qu’il est même contreproductif ! Même si la plupart de nos responsables ne se fient qu’à sa croissance, le PIB n’est pas vraiment la meilleure boussole ! Il se moque de la nature et de l’impact des activités qu’il additionne pourvu que celles-ci génèrent des flux monétaires. Il comptabilise positivement toutes les destructions. Aussi aberrant que cela puisse paraître, les catastrophes comme la vache folle, l’Erika ou encore les accidents de la route sont alors de vraies bénédictions pour notre Produit Intérieur Brut !

Une unité de mesure devenu objet de spéculation

Patrick Viveret poursuit sa critique avec le système monétaire.

L’argent est le nerf de la guerre, il régit notre monde! Or le droit de créer de la monnaie a été transféré aux banques à travers l’émission de crédits, sans véritable débat démocratique. Pourquoi une communauté ne pourrait-elle pas produire elle-même l’argent dont elle a besoin ? Après tout, la monnaie n’est qu’un moyen de paiement scellant un « accord » entre 2 parties. C’est une unité de compte qui ne devrait pas avoir de valeur en soi.

Comme les mètres ou les kilos, la monnaie est un étalon qui permet d’additionner des éléments hétérogènes et ainsi multiplier les échanges. Mais au lieu d’être un simple moyen au service de la création de richesses, la monnaie est devenue un bien, un bien privé qui a lui-même de la valeur, objet de compétition, de spéculation, de thésaurisation. Et c’est ainsi qu’on finit par penser que la richesse se mesure à son compte en banque….

Parmi les solutions proposées par Patrick Viveret, les monnaies sociales ! Pour la première fois, nous découvrons cette expression originale qui associe deux termes à priori assez antinomiques.

Les monnaies sociales : point de départ d’une économie de partage

Elles désignent un ensemble de dispositifs d’échange de biens, de services ou de savoirs organisés par et pour de petites communautés au moyen d’une organisation monétaire ad-hoc, une monnaie propre à une communauté.

En d’autres mots, il s’agit d’échanger sans argent conventionnel mais avec une monnaie propre à la communauté. Créer une économie complémentaire, basée sur l’autogestion, le partage et la coopération. C‘est un peu comme du troc, mais en beaucoup mieux.  Avec le troc, si X veut acquérir un DVD auprès de Y, il faut que X ait quelque chose à offrir, d’une valeur équivalente, et qui intéresse Y. Sinon, l’échange ne peut avoir lieu. En créant une monnaie ad hoc, j’échange avec un membre auquel je transmets des unités de compte qu’il pourra utiliser, quand il voudra, pour acquérir ce qu’il aura choisi dans un autre échange.

Les monnaies sociales sont parfois perçues comme une innovation modeste de troc « amélioré ». Nous pensons qu’elles sont un fantastique vecteur de transformation de la société.
Les monnaies sociales permettent de :

  • Transformer la nature des échanges, en récréant le lien social, ciment essentiel d’une communauté.
  • Relocaliser l’économie en développant des sphères locales de production et d’échange de biens et services. La monnaie, n’ayant de valeur qu’au sein d’une certaine communauté, ne fuit pas à l’extérieur.
  • Lutter contre la pauvreté, en fournissant des moyens supplémentaires d’acquisition de biens, capables de multiplier par deux, et parfois par cinq ou dix, le revenu moyen d’une famille.
  • Lutter contre l’exclusion, en insérant les personnes sans emploi dans une logique d’échange mettant en valeur leurs capacités contributives et leur redonnant confiance et espoir.
  • Préserver l’environnement, en privilégiant production et consommation locales, et en valorisant les produits d’occasion.

Les monnaies sociales nous apparaissent comme un levier de transformation incontournable pour favoriser un développement soutenable. Convaincus à 200% par ce formidable outil, nous décidons de quitter nos emplois respectifs et notre vie parisienne pour consacrer nos prochaines années au développement et à la promotion de ces monnaies complémentaires !

Et l’aventure commence …

Dans les mois à venir, les trois trentenaires à l’origine de l’association Taoa (pour There are another alternative, contradiction du slogan néolibéral définitif Tina de Margaret Thatcher) ont pour projet de parcourir plusieurs pays d’Amérique Latine pour y explorer des initiatives de monnaies alternatives : sucre, circuit de troc, etc. Curieux de toutes les initiatives de changement de société, OWNIpolitics publiera (grâce à l’aimable autorisation de l’association) les comptes-rendus de ces explorations monétaires au fil des mois.

Compilation de deux billets initialement publiés sur le site de l’association There are another alternative (Taoa) sous les titres « Reconsidérer la richesse », comment un livre a changé nos vies … et Les monnaies sociales en quelques mots.


Photo : FlickR CC Donovan ; Bill Jacobus.

]]>
http://owni.fr/2010/12/03/definir-dautres-valeurs-avec-des-monnaies-libres/feed/ 8
Les monnaies sociales: et si on arrachait aux banques le privilège de la monnaie ? http://owni.fr/2010/12/03/les-monnaies-sociales-et-si-on-arrachait-aux-banques-le-privilege-de-la-monnaie/ http://owni.fr/2010/12/03/les-monnaies-sociales-et-si-on-arrachait-aux-banques-le-privilege-de-la-monnaie/#comments Fri, 03 Dec 2010 07:43:51 +0000 TAOA (There are other alternatives) http://owni.fr/?p=37321 La croissance du PIB reflète-elle le bien-être de notre société ? Notre richesse se mesure-t-elle à notre compte en banque ? Fin 2009, une amie nous prête le livre de Patrick Viveret, « Reconsidérer la Richesse », sa bible nous dit-elle, elle deviendra aussi la notre…

Patrick Viveret critique le PIB, expliquant que cet indicateur est complètement inadapté aux grandes questions sociales et écologiques, voire qu’il est même contreproductif ! Même si la plupart de nos responsables ne se fient qu’à sa croissance, le PIB n’est pas vraiment la meilleure boussole ! Il se moque de la nature et de l’impact des activités qu’il additionne pourvu que celles-ci génèrent des flux monétaires. Il comptabilise positivement toutes les destructions. Aussi aberrant que cela puisse paraître, les catastrophes comme la vache folle, l’Erika ou encore les accidents de la route sont alors de vraies bénédictions pour notre Produit Intérieur Brut !

Une unité de mesure devenu objet de spéculation

Patrick Viveret poursuit sa critique avec le système monétaire.

L’argent est le nerf de la guerre, il régit notre monde ! Or le droit de créer de la monnaie a été transféré aux banques à travers l’émission de crédits, sans véritable débat démocratique. Pourquoi une communauté ne pourrait-elle pas produire elle-même l’argent dont elle a besoin ? Après tout, la monnaie n’est qu’un moyen de paiement scellant un « accord » entre 2 parties. C’est une unité de compte qui ne devrait pas avoir de valeur en soi.

Comme les mètres ou les kilos, la monnaie est un étalon qui permet d’additionner des éléments hétérogènes et ainsi multiplier les échanges. Mais au lieu d’être un simple moyen au service de la création de richesses, la monnaie est devenue un bien, un bien privé qui a lui-même de la valeur, objet de compétition, de spéculation, de thésaurisation. Et c’est ainsi qu’on finit par penser que la richesse se mesure à son compte en banque….

Parmi les solutions proposées par Patrick Viveret, les monnaies sociales ! Pour la première fois, nous découvrons cette expression originale qui associe deux termes à priori assez antinomiques.

Les monnaies sociales : point de départ d’une économie de partage

Elles désignent un ensemble de dispositifs d’échange de biens, de services ou de savoirs organisés par et pour de petites communautés au moyen d’une organisation monétaire ad-hoc, une monnaie propre à une communauté.

En d’autres mots, il s’agit d’échanger sans argent conventionnel mais avec une monnaie propre à la communauté. Créer une économie complémentaire, basée sur l’autogestion, le partage et la coopération. C‘est un peu comme du troc, mais en beaucoup mieux.  Avec le troc, si X veut acquérir un DVD auprès de Y, il faut que X ait quelque chose à offrir, d’une valeur équivalente, et qui intéresse Y. Sinon, l’échange ne peut avoir lieu. En créant une monnaie ad hoc, j’échange avec un membre auquel je transmets des unités de compte qu’il pourra utiliser, quand il voudra, pour acquérir ce qu’il aura choisi dans un autre échange.

Les monnaies sociales sont parfois perçues comme une innovation modeste de troc « amélioré ». Nous pensons qu’elles sont un fantastique vecteur de transformation de la société.
Les monnaies sociales permettent de :

  • Transformer la nature des échanges, en récréant le lien social, ciment essentiel d’une communauté.
  • Relocaliser l’économie en développant des sphères locales de production et d’échange de biens et services. La monnaie, n’ayant de valeur qu’au sein d’une certaine communauté, ne fuit pas à l’extérieur.
  • Lutter contre la pauvreté, en fournissant des moyens supplémentaires d’acquisition de biens, capables de multiplier par deux, et parfois par cinq ou dix, le revenu moyen d’une famille.
  • Lutter contre l’exclusion, en insérant les personnes sans emploi dans une logique d’échange mettant en valeur leurs capacités contributives et leur redonnant confiance et espoir.
  • Préserver l’environnement, en privilégiant production et consommation locales, et en valorisant les produits d’occasion.

Les monnaies sociales nous apparaissent comme un levier de transformation incontournable pour favoriser un développement soutenable. Convaincus à 200% par ce formidable outil, nous décidons de quitter nos emplois respectifs et notre vie parisienne pour consacrer nos prochaines années au développement et à la promotion de ces monnaies complémentaires !

Et l’aventure commence …

Dans les mois à venir, les trois trentenaires à l’origine de l’association Taoa (pour There are another alternative, contradiction du slogan néolibéral définitif Tina de Margaret Thatcher) ont pour projet de parcourir plusieurs pays d’Amérique Latine pour y explorer des initiatives de monnaies alternatives : sucre, circuit de troc, etc. Curieux de toutes les initiatives de changement de société, OWNIpolitics publiera (grâce à l’aimable autorisation de l’association) les comptes-rendus de ces explorations monétaires au fil des mois.

Compilation de deux billets initialement publiés sur le site de l’association There are another alternative (Taoa) sous les titres « Reconsidérer la richesse », comment un livre a changé nos vies … et Les monnaies sociales en quelques mots.

Photo : FlickR CC Donovan ; Bill Jacobus.

]]>
http://owni.fr/2010/12/03/les-monnaies-sociales-et-si-on-arrachait-aux-banques-le-privilege-de-la-monnaie/feed/ 3